Arrivés à l’aéroport le dimanche matin, nous sommes tout de suite plongés dans l’ambiance du Grand Raid grâce à l’accueil des coureurs à la sortie de l’avion. Mon impatience ne fait que grandir et je mesure à ce moment la chance que j’ai d’être ici. Décrocher un dossard pour cette course est une épreuve à part entière, et s’aligner sur le départ en étant en pleine forme sans pépins physiques est un soulagement tant le défi est immense. Bon, pour info, je suis diabétique T1.
Les jours avant la course seront rythmés par la nonchalance réunionnaise, le soleil, de petites randonnées et du repos… C’est les vacances quand même !!!
Mercredi : retrait des dossards et je ne coupe pas aux trois heures d’attente pour récupérer mon précieux sésame et faire le tour du village partenaire.
Jeudi : ça y est nous y sommes. Ce jour J tant attendu, de cette course qui me fait rêver depuis si longtemps, de ces mois de préparation, de quelques heures devant les vidéos Youtube de participants des éditions précédentes… Encore trois heures d’attente avant que Ludovic COLLET ne fasse le décompte des dix dernières secondes avant de lâcher les 2900 fous prêts à s’élancer sur cette Diagonale des Fous. Longue ? Elle le sera, puisque c’est la plus longue distance de l’histoire de cette course, 175 km avec un peu plus de 10 000 m de dénivelé à réaliser en moins de 66 heures. Les premiers km sur le front de mer de Saint-Pierre sont juste dingues. Je l’avais vu tant de fois dans les vidéos et pourtant ce monde amassé le long des barrières est incroyable. La ferveur des Réunionnais est indescriptible. Je suis serein. Je sais qu’il faut partir très tranquille. La course commence à Cilaos après 76 km et presque 4 000 D+. La 1ère nuit passe rapidement, l’énergie positive accumulée lors du départ y est sans doute pour quelque chose. Au petit matin, le Piton des Neiges se drape déjà de sa couronne nuageuse. Je me sens bien, je m’alimente correctement et régulièrement, m’hydrate autant que possible ; je sais que ces paramètres entrent pleinement dans ma réussite. Mon ambition ? Aucune, sinon de passer la ligne d’arrivée en ayant profité au maximum. Essayer de ne pas subir est mon seul objectif. Le maître mot sur cette course : la gestion. Le terrain est assez humide par endroit et Mare-à-Boue porte bien son nom. Je reste prudent dans la descente du Bloc vers Cilaos, 1ère base vie.
Après un arrêt assez long, je plonge dans Mafate. Ce cirque n’est accessible qu’à pied. C’est le paradis des randonneurs. J’y passe toute la 2ème nuit de ma course. Ma motivation reste intacte, mais je ne serai pas contre un peu de repos sur un des lits de camp mis à disposition par l’organisation sur certains ravitaillements. Mais je ne suis visiblement pas le seul à avoir cette idée. Tant pis, je continue d’avancer, mais je dois passer mon temps à laisser la place aux coureurs du trail de Bourbon (autre course du Grand Raid) qui sont partis à 21 h de Cilaos. Ce sera mon coup de gueule contre les organisateurs, car sur des sentiers étroits et parfois dangereux, cette gymnastique réalisée dans un état de fatigue avancée me semble à la limite de la faute professionnelle pour une course qui existe depuis plus de 30 ans. C’est à la fin de cette 2ème nuit que je vais dormir 30 min au ravitaillement avant la grosse montée au Maïdo qui constitue la sortie de Mafate. Et c’est un gros bout de cette Diagonale de fait.
Cette sortie fut mémorable. Cet endroit prisé des touristes profite d’un point de vue magnifique sur le cirque. La ferveur des Réunionnais est une nouvelle fois au rendez-vous. Il ne me reste qu’un peu plus de 50 km et 2000 D+. Mais pour l’instant, ce sont 2000 D- qui m’attendent pour atteindre la 2ème base vie. Un peu ennuyeuse mais roulante, ce qui permet de me refaire un peu après la technicité des sentiers du cœur de l’île intense.
La fin de course sera longue, comme sur tous les ultras, mais plus accessible pour les assistances ce qui permet à Christelle, mon épouse, de venir m’encourager plus régulièrement. Requinqué après chaque ravitaillement, j’aborde le très légendaire chemin des Anglais sous une pleine lune se demandant ce que font tous ces pantins désarticulés sur ces sentiers escarpés à une heure aussi avancée. Je me surprends même à sauter de pierre en pierre. Ma préparation, que l’on pense toujours insuffisante, a l’air de faire finalement ses preuves.
Ça y est, je peux enfin revêtir le T-shirt de la course, condition obligatoire pour passer la ligne d’arrivée.
Encore la bosse du Colorado, pénible car humide et j’aperçois la ville éclairée de Saint-Denis où m’attend le stade de la Redoute. J’ai survécu !
Focus préparation
Entre 50 et 70 h d’entrainement / mois depuis le début de l’année partagé entre 1/3 de VTT sur route et chemin, et 2/3 de trail. Des séances d’escalier : 7 km avec 700 D+ une fois par semaine.
Courses de préparation
Mi-juillet : le Gruyère - trail de Charmey avec 55 km et 3800 D+
Fin août : traversée Nord de l’Echappée Belle avec 96 km et 7000 D+
1 bloc 1 mois avant la Diagonale : +70 km avec 4000D+ en 3 jours
Diabète, traitement, gestion pendant la course
Sous pompe T-Slim, capteur Dexcom G6 sous contrôle IQ (boucle fermée).
Quelques semaines avant la Diagonale, je vois un post sur les réseaux sociaux de l’organisation du Grand Raid qui relaie l’information du service de diabétologie du CHU de Saint-Denis de la Réunion. Un suivi des diabétiques est proposé aux participants des différentes courses. Je décide de me signaler et suis accueilli avec une grande bienveillance et intègre donc ce suivi. Prise de glycémie capillaire, mesure de l’acétone et question sur l’état général, le ressenti… le tout consigné par les équipes médicales postées sur différents ravitaillements de la course.
Pas de gros soucis dans la gestion de mon diabète pendant la course… je reste en moyenne à 70 % dans la cible. La mesure de l’acétone sera haute après la grosse montée du Maïdo… mais reviendra rapidement à la normale. Un apport de glucides régulier et une bonne hydratation, sans oublier l’apport de sels semblent être les meilleurs moyens de garder son diabète sous contrôle… Mais on apprend toujours et c’est bien cela qui me fait avancer.
Les stages Trail & diabète proposés par l’USD et auxquels je participe depuis plusieurs années ont sans aucun doute permis d’affiner ma gestion de la maladie pendant le trail. Les échanges avec l’équipe médicale qui nous accompagne et le partage d’expériences entre les participants sont une source intarissable d’enrichissement. Je ne peux que recommander fortement d’y venir.
Stéphane Scheid
Комментарии